La mémoire historique, quand elle est oubliée ou négligée, laisse la place à la récurrence des pires atrocités. Parmi les tragédies les plus silencieuses de la Seconde Guerre mondiale, figure la persécution systématique des personnes homosexuelles par le régime nazi. Loin de s'arrêter à un simple épisode de répression, l’histoire des triangles roses est un douloureux rappel de l'atrocité qu'engendre l'extrême droite et le fanatisme religieux.

Ces idéologies, qui ont conduit à l'extermination de millions de personnes, continuent de nourrir des politiques de haine et de division, menaçant une fois de plus la dignité et l’existence des communautés LGBTQIA+ dans le monde entier. Aujourd’hui, face à la montée de l'extrême droite, du populisme et des idéologies religieuses répressives, il est plus que jamais impératif de lutter pour que les leçons de l’histoire ne soient pas effacées, et que les horreurs du passé ne soient jamais répétées.

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Les Homosexuels sous le Régime Nazi : Une Répression Organisée et Planifiée

Sous le régime nazi, l’homosexualité est perçue comme un crime contre la nation, un obstacle à la croissance démographique et à la pureté de la race aryenne prônée par Hitler. Les nazis n'ont pas simplement cherché à empêcher les relations homosexuelles : ils ont voulu éradiquer ce qu’ils considéraient comme une « maladie sociale ». Dès leur arrivée au pouvoir, les autorités nazies ont intensifié la criminalisation des homosexuels, renforçant le paragraphe 175 du Code pénal qui interdisait les relations homosexuelles entre hommes.

Dès 1935, ce paragraphe fut modifié pour permettre l’arrestation de toute personne soupçonnée d’homosexualité, sans preuve tangible. Des milliers d'hommes furent déportés dans des camps de concentration où ils furent soumis à des traitements inhumains, forcés de porter un triangle rose sur leur uniforme pour être identifiés comme « asociaux ». Ce triangle, cousu sur leur torse, symbolisait leur dégradation sociale, mais aussi leur condamnation à mort lente. Les témoins de cette époque décrivent des scènes de torture, de viols, de humiliations quotidiennes, de travail forcé, et d’expériences médicales barbares menées sous la direction des nazis pour tenter de « guérir » leur homosexualité.

Un des rares survivants de cette répression, Pierre Seel, décrit dans son livre Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel l’horreur vécue :

"Nous étions les moins que rien. Nous étions les dernières victimes. Les SS nous battaient, nous humiliaient, nous forçaient à des travaux impensables sous des conditions inhumaines. Si tu avais le malheur de sourire ou de montrer la moindre forme de résistance, c’était la torture assurée."

Les lesbiennes, bien qu’elles n’aient pas été aussi systématiquement ciblées, ont aussi souffert sous le régime nazi, souvent accusées de mener des vies « asociales » ou considérées comme des menaces pour l'ordre social familial que les nazis cherchaient à imposer.

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Le Silence Après la Guerre : Un Combat Invisible

Après la guerre, les survivants homosexuels ont dû se battre pour faire reconnaître leur persécution. Le paragraphe 175 ne sera pas abrogé en Allemagne de l’Ouest avant 1969, et ce n’est qu’en 2017 que l'État allemand a officiellement réhabilité les victimes de la répression nazie des homosexuels. Cette amnésie institutionnelle a conduit à l’invisibilité des homosexuels parmi les survivants du nazisme, dont beaucoup ont été ignorés, ostracisés et souvent condamnés de nouveau après la guerre. Ces survivants ont été contraints de vivre dans l’ombre, incapables de témoigner de leurs souffrances sans risquer de nouvelles persécutions. Les conséquences de cette répression prolongée ont laissé une marque indélébile sur des générations d'homosexuels et de personnes queer.

Le Retour du Fascisme : Une Menace de Plus en Plus Réelle

Aujourd'hui, les échos du fascisme ne résonnent pas seulement dans les discours d'extrême droite qui remontent à la surface dans certains pays, mais aussi dans la montée en puissance de régimes politiques hostiles aux droits des LGBTQ+.

La Russie et la Tchétchénie : la persécution des homosexuels comme politique d'État

Sous Vladimir Poutine, la Russie a adopté des lois interdisant la "propagande homosexuelle" et criminalisant toute forme de visibilité LGBTQ+, en particulier auprès des jeunes. En 2017, la Tchétchénie a été secouée par des révélations concernant des camps de concentration où des hommes homosexuels étaient emprisonnés, torturés et tués, souvent dans des conditions d'une brutalité inimaginable. Les autorités tchétchènes ont nié ces faits et ont fait preuve d'un déni total. Les survivants de ces persécutions sont toujours laissés à l'abandon, sans justice ni réparation.

Les États-Unis sous Donald Trump : Un climat de haine renforcé

Sous la présidence de Donald Trump, les droits des personnes LGBTQ+ ont subi un recul significatif. Le décret interdisant les personnes transgenres dans l'armée américaine, les attaques contre les protections en matière de santé, et les politiques visant à déroger aux lois anti-discrimination sont des exemples de l’hostilité croissante envers les communautés LGBTQ+. En parallèle, le populisme religieux, porté par l'extrême droite chrétienne, a trouvé une légitimité politique, alors que l’on assistait à une vague d'attaques verbales et physiques contre les personnes LGBTQ+ et leurs alliés.

Le phénomène Zemmour et la montée de l'extrême droite en Europe

En France, Éric Zemmour, avec ses discours anti-immigration, anti-LGBTQ+, et sa glorification de l'« identitaire » nationaliste, incarne une nouvelle forme d'extrême droite qui reprend les thématiques du fascisme des années 1930 : le rejet des minorités, la réhabilitation de la famille "traditionnelle", et une vision étroite de la société. L’hostilité à la liberté des genres et à l’égalité des droits trouve une place croissante dans les discours politiques en Europe, alors que des partis comme le Rassemblement National en France ou l'AfD en Allemagne gagnent en popularité.

Eric Zemmour, au siège du parti Reconquête, à Paris, le 9 juin 2024. - Ian LANGSDON - Paris (AFP)

Le Danger du Fanatisme Religieux : Une Instrumentalisation de la Foi

Le fanatisme religieux est une autre menace permanente pour les droits des LGBTQIA+. Depuis des décennies, les leaders religieux de différentes confessions, y compris dans des pays occidentaux, ont joué un rôle clé dans la marginalisation des personnes homosexuelles et transgenres, en invoquant des arguments tirés de leurs textes sacrés pour justifier la répression et l’exclusion.

Dans des pays comme l’Iran, l’Arabie Saoudite, l’Ouganda et la Russie, les gouvernements utilisent des interprétations radicales de la religion pour imposer des lois contre l’homosexualité et justifier des exécutions ou des peines de prison. L’influence des institutions religieuses continue de mettre en péril la vie des LGBTQ+ à travers le monde.

En Ouganda, une loi anti-homosexualité extrêmement sévère a été adoptée en 2014, sous la pression de groupes évangéliques américains, et envisageait la peine de mort pour les homosexuels "récidivistes". La théologie chrétienne radicale continue de nourrir les campagnes de détestation contre les minorités sexuelles.

Le fanatisme religieux, en se mêlant aux politiques d'extrême droite, crée une atmosphère dans laquelle l’homosexualité, et plus largement la diversité sexuelle, est perçue comme une menace à l’ordre divin et moral. Cette vision réactionnaire s’infiltre dans les institutions et les gouvernements, alimentant la haine et la peur à travers des discours violents et des lois discriminatoires.

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Le Devoir de Mémoire et la Lutte pour l’Égalité

Face à cette résurgence des idéologies répressives, il est crucial de protéger la mémoire des persécutions passées et de lutter pour l’égalité des droits des personnes LGBTQ+. Se souvenir des triangles roses et des souffrances infligées est essentiel pour éviter que l’histoire ne se répète. Cependant, ce devoir de mémoire ne se limite pas à rappeler les atrocités commises sous le régime nazi ; il s'agit aussi de lutter activement contre l'extrême droite, le populisme, et le fanatisme religieux qui, encore aujourd'hui, menacent les droits fondamentaux de millions de personnes.

Les communautés LGBTQ+ doivent continuer à se battre pour l’égalité, pour la reconnaissance des droits humains, et pour la liberté de vivre sans crainte de persécution, de stigmatisation ou de violence. Le fascisme, sous sa forme la plus insidieuse, continue de se frayer un chemin à travers le monde, et il est plus urgent que jamais de résister à ces forces obscures. Le combat contre l’injustice n’est pas un combat du passé : il est actuel, et il est vital.

"Ne l’oublions jamais, n’abandonnons jamais."

Les survivants du passé, ainsi que ceux d’aujourd’hui, ont un message à nous transmettre : l’égalité est un droit, pas un privilège. Et tant que des forces de haine continueront d'exister, il nous incombe de les contrer, d’unir nos voix et de protéger les valeurs fondamentales de liberté, d’égalité et de dignité humaine.