Il est rare qu’un roman parvienne à capturer avec autant de justesse la complexité de l’adolescence, des émotions enfouies et de la découverte de soi. Aristote et Dante découvrent les secrets de l'univers, de Benjamin Alire Sáenz, est l’un de ces livres qui marquent, bien après avoir tourné la dernière page. Publié en 2012 et couronné par de nombreux prix littéraires, ce roman explore l’amitié, l’identité et l’amour avec une tendresse rare.

Une rencontre qui change tout

L’histoire se déroule sous le soleil brûlant d’El Paso, au Texas. Aristote, dit Ari, est un adolescent solitaire, en proie à des colères qu’il ne comprend pas. Il traîne son mal-être, incapable d'exprimer ses sentiments, notamment face au silence pesant entourant son frère incarcéré. Un jour d'été, il rencontre Dante, un garçon sensible, expansif et curieux, à la piscine municipale. Tout les oppose, et pourtant, une amitié instantanée naît entre eux.

Dante n’a pas peur des mots ni des gestes tendres. Il aime la poésie, les animaux blessés et marcher pieds nus sous la pluie. Ari, lui, reste sur la défensive, incapable de comprendre pourquoi l’amitié de Dante compte autant pour lui. Ce contraste rend leur dynamique fascinante : Dante ouvre le monde à Ari, tandis qu'Ari apprend, lentement mais sûrement, à baisser ses murs.

L'exploration de l'identité

Au fil des pages, le roman explore des questions essentielles : Qui suis-je ? Comment s'accepte-t-on quand on se sent différent ? L’histoire ne se limite pas à une romance naissante ; elle dévoile surtout la difficulté de comprendre ses propres émotions. Ari se bat contre lui-même, face à un désir qu'il ne veut pas nommer, tandis que Dante, plus à l’aise avec son identité, lui tend la main avec patience.

La force du roman réside dans sa capacité à montrer que la découverte de soi n'est pas un chemin linéaire. Il y a des silences, des maladresses, des blessures, mais aussi des moments de pure lumière. Les parents des deux garçons jouent un rôle clé, loin des stéréotypes. Ils soutiennent, écoutent, et apprennent aussi, prouvant que l'amour familial peut être un puissant catalyseur d'acceptation.

L'auteur et artiste Benjamin Alire Saenz, entouré de ses livres et de ses peintures dans sa maison d'El Paso. Photo d'Alfredo Corchado

Un style poétique et authentique

Benjamin Alire Sáenz écrit avec une simplicité désarmante. Chaque phrase semble pesée, chaque dialogue résonne avec authenticité. Les pensées d’Ari, souvent brutes et contradictoires, traduisent parfaitement la confusion adolescente. L’écriture, presque méditative, donne au roman un rythme doux, propice à l'introspection.

On ne lit pas Aristote et Dante pour l'action, mais pour les émotions qu'il soulève. C'est un livre qui parle autant de l'amour que du silence, des non-dits qui pèsent et des mots qui libèrent.

Un impact durable

Dix ans après sa publication, le roman continue de toucher de nombreux lecteurs, notamment dans la communauté LGBTQIA+. Il offre une représentation positive et réaliste de la découverte de son orientation sexuelle, loin des récits tragiques trop souvent associés à ces thématiques. L'histoire d'Ari et Dante rappelle qu'il est possible de trouver l'amour, l'amitié et l'acceptation, même quand on se sent perdu.

La suite, Aristote et Dante plongent dans les eaux du monde, publiée en 2021, poursuit leur histoire avec la même sensibilité, explorant les défis de l’âge adulte naissant.

Pourquoi lire ce livre aujourd'hui ?

Parce qu’il parle d’amour, sous toutes ses formes : amitié, amour familial, amour de soi. Parce qu’il montre qu’on peut grandir en embrassant sa vulnérabilité, et que parfois, les plus grands secrets de l'univers se trouvent simplement dans le regard de quelqu’un qui nous comprend.

En refermant ce livre, on n’a peut-être pas toutes les réponses, mais on se sent un peu moins seul face aux questions. Et c’est peut-être là que réside sa véritable force.

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